Mes écrivains




Touche-à-tout de talent, Éric-Emmanuel Schmitt est à la fois auteur de romans, de nouvelles, de théâtre et d'essais mais il s'est aussi essayé avec succès  à la réalisation de films ...

Pour ma part, j'ai une tendresse particulière pour le Cycle de l'Invisible. De petits textes emplis de poésie, de réflexions, de spiritualité. Éric-Emmanuel Schmitt y déploie tout son talent dans une écriture sans fioriture mais tellement forte.

"Je me retrouvai avec moi, rien que moi, dans mes draps ordinaires, ma chambre de Montmartre, sous un ciel parisien.
Le rêve m'amusa.
Mais le rêve revint.
D'où viennent les rêves ?
Et pourquoi celui-là fondait-il sur moi ?
Toutes les nuits je me retrouvais sur les longs chemins pierreux avec cette vengeance au cœur"

"Monsieur Ibrahim avait toujours été vieux. Unanimement, de mémoire de rue Bleue et de rue du Faubourg-Poissonière, on avait toujours vu monsieur Ibrahim dans son épicerie, de huit heures du matin au milieu de la nuit, arc-bouté entre sa caisse et les produits d'entretien, une jambe dans l'allée, l'autre sous les boîtes d'allumettes, une blouse grise sur une chemise blanche, des dents ivoire sous une moustache sèche, et des yeux en pistache, verts et marron, plus clairs que sa peau brune tachée par la sagesse."

"Il n'y a que Mamie-Rose qui n'a pas changé. A mon avis, elle est de toute façon trop vieille pour changer. Et puis elle est trop Mamie-Rose aussi. Mamie-Rose, je te la présente, Dieu, c'est une bonne copine à toi, vu que c'est elle qui m'a dit de t'écrire. Le problème, c'est qu'il n'y a que moi qui l'appelle Mamie-Rose. Donc faut que tu fasses un effort pour voir de qui je parle : parmi les dames en blouse rose qui viennent de l'extérieur passer du temps avec les enfants malades, c'est la plus vieille de toutes."




"J'avais dix ans. Trois ans plus tôt, mes parents m'avaient confié à des inconnus. Depuis quelques semaines, la guerre était finie. Avec elle, s'était achevé le temps de l'espoir et des illusions. Nous autres, les enfants cachés, nous devions revenir à la réalité afin d'apprendre, comme on reçoit un coup sur la tête, si nous appartenions toujours à une famille ou si nous demeurions seuls sur terre ..."


"Même penser me donnait des douleurs. Réfléchir ? Inutile. Me rappeler ? J'évitais ... Prévoir ? J'évitais aussi. Je m'étais coupé du passé et de l'avenir. Ou, du moins, je tâchais ... Parce que, si bazarder ma mémoire ne m'avait pas posé de problème tant elle charriait de méchants souvenirs, il m'étais plus compliqué d'arrêter de rêver des scènes complaisantes. Je me l'interdisais pourtant, sachant que j'allais morfler au réveil, quand je réaliserais que c'était impossible."


Et le petit dernier qui vient tout juste de sortir et que je viens de commencer avec bonheur :

"La tête ronde d'une couleur écarlate, des plis nets sur la peau, des dents aussi fines que des pépins, madame Ming évoquait une pomme mûre, sinon blette, un brave fruit, sain, savoureux, pas encore desséché. Mince, son corps semblait une branche souple. Sitôt qu'elle s'exprimait, elle s'avérait plus acidulé que sucrée car elle distillait à ses interlocuteurs des phrases aigrelettes qui piquaient l'esprit".



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